On présente souvent la franchise comme la réitération organisée d’un succès économique. Mais cela ne suffit pas car si les réseaux de franchise naissent d’une réussite personnelle du franchiseur ils peuvent mourir d’un échec juridique. C’est souvent sur le terrain de la preuve que se joue le contentieux initié par les franchisés dans trois secteurs fondamentaux : délivrance de l’information précontractuelle, transmission d’un savoir-faire original et assistance du franchisé. Trois arrêts récents confirment la tendance pragmatique des juges du fonds qui apprécient la valeur des réseaux à leur efficacité, surtout quand elle est reconnue par les tiers, mais aussi à la bonne foi des parties. La preuve de la remise du DIP On sait qu’il appartient au franchiseur de remettre, préalablement à la signature du contrat de franchise (en respectant un délai minimal de vingt jours), un document d’information précontractuelle (DIP) au franchisé afin de permettre à ce dernier de s’engager en connaissance de cause. C’est donc au franchiseur de rapporter la preuve qu'il a rempli ses obligations légales qui sont d'ordre public. Pour autant, le franchisé qui a signé le contrat et paraphé toutes ses pages dont celle reconnaissant qu'il a reçu le DIP au moins vingt jours avant la signature du contrat ne peut pas soutenir qu'il ne l'a pas reçu. Toutefois cette mention ne suffit pas àdémontrer que les informations fournies au franchisé sont conformes aux exigences légales et le franchiseur est tenu, en cas de contentieux, de produire le DIP qu’il est censé avoir remis. A défaut la Cour d'appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt en date du 10 Janvier 2013 (Numéro JurisData : 2013-001120) a jugé que le fait que le franchiseur ne soit pas en mesure de produire le DIP, et donc de prouver la conformité des informations transmises au regard des exigences légales et réglementaires, corroboré par les nombreux courriels adressés par le franchisé, témoignait du manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, ayant ainsi entrainé une erreur substantielle du franchisé sur les conditions d’ouverture de l’activité franchisée et la viabilité de l’entreprise, justifiant le prononcé de la nullité du contrat de franchise. La preuve de la valeur du concept Dans un arrêt du 26 mars 2013, la Cour d’appel d’Angers (arrêt n° 11/02802, inédit) s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle de la validation du savoir-faire par son efficacité économique: le bon démarrage d’un franchisé inexpérimenté démontre l’utilité du savoir-faire et rend illégitimes ses contestations. Les juges du fonds ajoutent une considération plus novatrice: la progression rapide et le succès du réseau et les récompenses attribuées à ses franchisés notamment dans le cadre du concours des « meilleurs franchisés de France » organisé par l’IREF confirment la valeur du concept. Les juges intègrent donc la valeur économique du réseau et la reconnaissance qui lui a été décernée par un organisme indépendant pour apprécier la validité d’un contrat de franchise. Les têtes de réseau auront donc le plus grand intérêt à se soumettre ainsi que leurs franchisés à ce concours. L’obtention de la certification sur le référentiel spécifique au secteur de la franchise et du partenariat créé conjointement par l’IREF et l’organisme Bureau VERITAS confortera encore davantage la tête de réseau dans la reconnaissance de la valeur de son concept. La preuve de la délivrance d’une assistance Suite à la transmission de son savoir-faire, le franchiseur est tenu, afin d’aider le franchisé à le mettre en œuvre, de l’assister sans porter atteinte à son indépendance. Cette obligation se manifeste lors du démarrage de l’activité du franchisé et se poursuit tout au long des relations contractuelles. Toutefois, la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 27 février 2013 (arrêt n° 10/21270, inédit) rappelle que le franchisé qui ne réclame aucune assistance pendant une longue période ne pourra pas ensuite se plaindre du non-respect de son obligation par le franchiseur : « le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d’exploitation, financiers et commerciaux ». Il ne peut reprocher au franchiseur un manquement à ses obligations dès lors qu’il ne démontrait pas que ses difficultés seraient imputables à un défaut d’assistance. Le nécessaire équilibre entre les obligations de la tête de réseau et l’indépendance de ses affiliés rejaillit donc sur le terrain de la preuve. Après tout, le contrat de franchise ou de partenariat doit, comme tout contrat, se signer et s’exécuter de bonne foi, ce qui n’est pas toujours si facile à prouver. Voici mes trois conseils donnés aux franchiseurs pour faciliter la preuve du respect de leurs obligations : choisir un cadre juridique adapté et rédigé sur mesure, délivrer une information sincère et faire valider le concept par un organisme indépendant. Par Philippe MARIN, avocat associé de la Société I, M & Associés, Toulon – Paris, expert auprès de la Fédération des réseaux européens de partenariat et de franchise. |